Ciao Bella - extrait 1

 

Ingénieur, Benjamin a appris à ses dépens que l'on peut transformer un drone en arme. Après sa rencontre avec Stella, une fillette handicapée, il va se battre contre un projet démesuré qui pourrait mettre les populations en danger.

Extrait :


— Une maison au milieu d’une cour d’école. Elle est complètement ouverte. On dirait une fête…
— Hein ?
— Pardon, c’est une citation. Je ne sais pas trop ce que l'auteur a voulu dire, mais cela me rappelle cet endroit.
Stella voulut en savoir plus, il s'exécuta :
— Je me suis rendu à Kefkan pour le travail, afin de vérifier que mon drone pourrait y monter. J’étais épuisé par le voyage à cause de ce vent : des bourrasques répétées qui faisaient pénétrer la poussière à l'intérieur des habits.
— Mais c'était où en Chine ?
Il reprit son souffle et continua comme s'il n'avait pas entendu la question : inutile de lui révéler que Kefkan se situait en Afghanistan.
— Quand le vent s’est posé, la première chose que j’ai vue, c’est un tas d’immondices.
— Des immondices ?
— Absolument.
— Non, mais, des immondices, c’est quoi ? questionna-t-elle, s’impatientant.
Benjamin expliqua :
— Ce sont des déchets. Là-bas, on ne ramasse pas les poubelles. C'est un endroit tellement inaccessible…
Il fit une pause.
— Cependant, en avançant, j'ai été séduit par ce village. J’ai aimé les couleurs des tchadors portées par les femmes et celles d’un marchand dont les épices étaient exposées dans un sac de jute posé à même le sol.
Stella le laissa poursuivre.
— Soudain, des enfants sortaient par une porte. Ils m’ont salué en riant. Une fillette est venue et m’a pris la main. On aurait dit une caresse. Et son regard était si doux… qu’il aurait pu réconcilier le monde, songea-t-il ; il se sentit idiot de penser cela. Il continua :
— Elle m'a entraîné à l'intérieur d'un bâtiment construit autour d'une cour. Au centre, se trouvait un petit joyau d'architecture. Un peu plus tard, on m’a appris que ce pavillon était une salle de prière où les villageois aimaient se rassembler. Quand on y entrait, on était accueilli par un tapis rouge qui emplissait la pièce.
Il se tut en regardant par la fenêtre ; ses yeux s’humidifiaient.
— La petite fille était… comme toi, ajouta-t-il.
Avec la même soif de connaître chez l’autre ce qui donne sens à la vie, pensa-t-il intérieurement, cette même envie qui, enfant, l’avait poussé de plus en plus loin de chez lui.
— Et ? pressa la fillette.
— J’y repense souvent.
Ses lèvres charnues se pincèrent et une lourde amertume se figea sur son visage.

Benjamin baissa la tête. Il ne lui dit pas que ce pavillon avait été pulvérisé par une bombe lâchée par un drone.
Quant à la fillette…
Il se remémora l’attentat ; vingt-deux personnes tuées. L’image des corps le hantait.
Maudit soit Habib Khan !
Habib Khan, et son soi-disant projet humanitaire : « Je veux leur faire parvenir des médicaments. En hiver, ils passent parfois une semaine coupés de tout. »

— Pourquoi tu n’y retournes pas ? s’enquit innocemment Stella.
Benjamin ne répondit pas. À cet endroit s’arrêtait ses rêves. Un homme avait détourné la science de son objet ; pire, il avait utilisé la pointe du progrès contre les innocents.
Et lui, l’ingénieur, il avait gardé le silence. Et ressenti la peur. La honte.



Extrait de Ciao bella, La vie l'emportera publié sous mon nom de plume Mélinda Schilge

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