No et moi, Delphine de Vigan



Lou présente une précocité qui l'handicape : il est compliqué pour elle de frayer avec des adolescents de son âge, elle n'en partage pas les codes. De plus, la mort subite de sa sœur Thaïs a brisé sa famille : sa mère ne parvient plus à l'aimer. Seul Lucas, le cancre, sait la soutenir : ses regards ironiques sont finalement les rares mouvements de sympathie qui l'atteignent. 

Rencontrer No, jeune sans-abris, regarder sa solitude sans ciller, ce n'est pas difficile pour Lou. Simplement, créer un lien, pour cette jeune jusqu'au-boutiste introvertie, c'est un apprentissage merveilleux et terrifiant à la fois : No se laisse apprivoiser, mais la main tendue de l'adolescente n'est pas armée pour la sortir de son bourbier.

L'auteur dépeint avec précision et délicatesse les combats des deux jeunes filles, qui grandissent en humanité, chacune à leur façon. On évite la mièvrerie : la pauvreté est un drame dont on ne sort pas indemne ; il reste cependant quelque chose à jouer. Les scènes chargées d'émotion s'enchaînent, le premier acte d'une famille endolorie permet tous les espoirs, le dernier acte de cette complainte moderne offre un rebondissement poignant. L'auteur nous tient en haleine grâce à une histoire bien construite... ou peut-être parce que c'est l'histoire de notre monde qu'elle raconte.

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