Un jasmin en hiver, Stéphanie Elbaz


Mona est fragile psychologiquement et dépendante de sa psychologue. Elle angoisse, pour ses enfants surtout. Mais d'autres événements qui pourraient être anodins deviennent aussi des obstacles pour elle. En parallèle de ses mésaventures, le lecteur découvre les confidences de son grand-père, Felix, qui s'enregistre pour les mémoires que Mona veut recueillir. Si le fait de désigner les personnages par leur prénom plutôt que par un 'papi' ou 'maman' permet de leur donner une place plus entière, ce choix retarde cependant la compréhension de la famille. Cela dit, peu à peu, nous nous rapprochons de chacun pour découvrir combien le secret qui les lie peut les affecter personnellement.
J'ai bien aimé suivre les progrès de Mona, l'autrice a une belle façon d'aborder le lâcher-prise. Et j'ai été touchée par l'histoire de ces Tunisiens qui ont élu la France pour leur nouveau départ.

Le coeur des fileuses, Aurélie Haderlé


 Eulalie prend sa revanche sur la vie et contre une logique patriarcale où le père puis le mari s'octroie toutes les responsabilités. Profitant de la circonscription, elle permet à ses employés de vivre la première aventure socialiste de la région. Nous sommes pendant la guerre de 14-18 et ces idées ne s'entendent que dans les villes jusqu'à maintenant. Mais notre héroïne fait fit de tous les on-dit et compte bien vivre maintenant à sa manière...

Comme elle le présente, l'auteure s'engage dans une voie utopique. L'intrigue sous-jacente ne m'a pas tout à fait convaincue, mais donne un canevas à une histoire qui pour moi vaut avant tout pour ce qui est vécue dans la filature avec Eulalie. Et justement, ce témoignage nous plonge dans une époque en nous faisant comprendre combien il était nécessaire que des modifications réforment en profondeur la société. Ce roman donne bien des pistes pour comprendre la nécessité de d'avancer en politique, et d'où l'on vient.

Une lecture intéressante. Et une héroïne courageuse !  

Imaqa, Flemming Jensen


 Pour pimenter sa vie, Martin, Danois, choisit d'enseigner à Nunaqarfik, au Groenland, un village que l'on atteint en traîneau à chiens ou en hélicoptère. Il ne parle pas la langue locale, mais qu'importe puisque l'objectif est justement d'y éduquer les enfants comme des Danois. Cependant, il apprécie que Gert, le chasseur, connaisse des rudiments de Danois et surtout accepte de l'affranchir aux coutumes de ce bout du monde. Il y a bien aussi Jakúnguak, l'adolescent rebelle revenu d'un an passé au Danemark, mais celui-ci critique de façon un peu trop radicales les usages de son pays et plus particulièrement les façons de procéder de ses parents, jusqu'à remettre en cause son propre père. Et même si ce village est protégé de nombreuses tentations, tout n'est pas rose dans ce pays : l'alcool fait des dégâts. Pourtant Martin s'y attache de plus en plus.

J'ai aimé l'humour de la situation, la critique aussi de l'administration, la découverte de ce milieu hors normes en tout point, et surtout les liens humains qui se tissent envers et contre tout.

Là où les souvenirs se révèlent, Delphine Giraud


 Thomas a craqué à l'école où il enseigne : burn out, à tel point qu'il se réfugie chez son père en Bretagne. Là, il est pris en charge par une communauté où il rencontre Jasmine. Et il y affronte son histoire tragique : la mort de sa mère, dans des circonstances troublantes. Qu'est devenue d'ailleurs sa sœur jumelle ? Au décès de sa grand-mère, il se rend au Portugal pour chercher des réponses, d'autant plus qu'il est bouleversé par ce qu'il apprend au sujet de sa chère cousine. 

J'ai beaucoup apprécié d'accompagner Thomas dans sa volonté de reprendre les rennes de sa vie, même si ses histoires de famille m'ont laissée perplexe. L'auteure traite le thème de l'abandon et les raisons ou les circonstances - fussent-elles dramatiques - de ce qui le déclenche ne me convainc pas tout à fait.
Quel est le dysfonctionnement de cette famille ?
Cela dit, du thème de l'abandon, je garde un questionnement. Et Thomas est attachant dans sa quête et l'histoire qui se noue avec Jasmine reste tendre en traversant des difficultés désarmantes. 

Une écriture fluide traversée par des rebondissements surprenants : un roman qui se lit bien !

Les âmes errantes, Cécile Pin


 Fin des années 70, Anh est envoyée par ses propres parents en éclaireuse avec ses deux frères pour gagner Hong Kong afin de fuir le régime vietnamien après la guerre. Elle n'est qu'une enfant qui doit soudain prendre en charge ses frères, car le reste de la famille n'arrive pas à bon port. Elle doit faire des choix et en réaction à la colère qu'elle éprouve contre la décision unilatérale de son père, elle opte pour l'Angleterre plutôt que les Etats Unis, où se trouve l'oncle à l'origine de leur exode. Mine de rien, même si c'est toujours insuffisant, nous voyons alors les organisations internationales à l'œuvre, qui s'affairent pour donner de nouvelles chances, infimes certes au regard de l'immensité du malheur des exilés.

En parallèle, d'autres bribes de récits - documentaires ou autres narrations - s'intercalent. J'ai aimé ce procédé qui permet d'absorber le choc de l'horreur qui nous est racontée, même si j'ai été un peu déroutée. L'auteur nous fournit ainsi des informations ou offre des digressions opportunes qui permettent par ailleurs d'étayer le récit. Peu à peu nous parcourons une vie, les circonstances du drames également, et nous découvrons comment ces déracinés souffrent, gardent les stigmates de leur passé, mais aussi se reconstruisent.  Et nous saisissons quelque chose de la culture vietnamienne.

J'ai aimé ce parcours non-linéaire, enrichissant et touchant.



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