Et le désert disparaîtra, Marie Pavlenko


 Comme tous les jeunes qui aspirent à grandir, Samaa veut s'émanciper, d'autant plus qu'elle a eu le privilège d'être initiée par son père à des savoirs qui, en tant que fille, auraient dû lui être interdits.

J'ai craint ne pas pouvoir entrer dans le livre : l'auteure nous ouvre un monde sombre qui semble ne pas pouvoir survivre. Et pourtant, résilients, les membres de la tribu de cette jeune intrépide inventent des façons de subvenir à ses besoins qui parviennent à nous convaincre. Et le chemin de Samaa pour trouver sa voie dans l'aridité de son désert et même créer une nouvelle voie pour les siens est une expérience initiatique unique !
Une lecture tour à tour prenante dans l'urgence de la survie, puis rassérénante dans la construction d'une société plus respectueuse de son environnement.
Un bijou par sa fraîcheur et par son approche en douceur d'un sujet brûlant.

Les ailes collées, Sophie de Baere

Comment se fait-il que les parents de Paul n'aient pas vu le harcèlement dont il est victime ?
Le narrateur explore avec les yeux de l'adolescent la désagrégation du couple de ses parents du fait des infidélités du père et de l'amour exclusif et sans limite de la mère, qui ne parvient pas à s'occuper de ses deux enfants.
C'est dans ce climat délétère que naît un amour inattendu : celui de Paul et Joseph. Malheureusement, Joseph est de ce fait éloigné auprès d'un père rigoriste et la violence de l'homophobie - aussi destructrice qu'incompréhensible, mais spontanée elle aussi - s'abat sur un Paul plus démuni que jamais.
Forcément nous compatissons à la détresse de Paul, qui cumule ses fragilités familiales à ce rejet inique et dévastateur. Une relation avec une jeune femme lumineuse donne un autre aperçu de l'homosexualité, qui n'est pas toujours une identité, mais parfois une exception liée à un être en particulier.

Beaucoup de malheurs pour une seule personne. Mais l'histoire reste crédible et l'auteure cerne ses personnages avec minutie.
J'ai mieux compris les difficultés des homosexuels et leurs sentiments aussi.
Un roman qui ne laisse pas indemne.

La carte postale, Anne Berest


 Bien que son sentiment d'appartenance à la communauté juive soit dilué par des décennies d'abstention de toute pratique en famille ou ailleurs, la narratrice éprouve le besoin de comprendre ce qui est arrivé à ses ancêtres inconnus d'elle, disparus à cause de leur origine religieuse. Peu à peu, par bribes décousues, nous découvrons le traitement réservé aux juifs à travers le parcours d'une famille exilée de Russie jusqu'à la France, où le père espérait pouvoir s'établir avec sa femme et ses trois enfants. Si, malheureusement, nous avons tous reçu des informations parcellaires sur l'horreur de ces traitements, ici nous plongeons dans les détails de l'absurdité. Nous voyons le piège se refermer, et ce malgré le risque inouï pris par des personnes lambdas qui tâchaient de leur permettre d'éviter le pire.

L'autrice nous tient en haleine sur la simple question de savoir pourquoi ces noms figurent sur une carte envoyée à sa mère. Mais nous assistons finalement à la construction d'une identité. Cette femme effectue son devoir de mémoire. Bien documenté, ce récit illustre combien le diable est dans le détail, dans tous les sens du terme. Nous suivons aussi l'histoire touchante de Myriam, la grand-mère, et de sa relation avec les deux hommes de sa vie.

Même si le récit est un peu décousu, il vous mènera à un dénouement mêlant le destin d'une vie à celui d'un peuple, dont les traces, même ténues, gagnent à être mises au grand jour pour ne jamais oublier.
À découvrir...

9 m2, Stéphane Delaunay

 

9.3. purge une peine en devenant une sorte de caïd féminin des prisons. Son obstination à vouloir se démarquer par la violence est lassante, mais sa franchise et sa volonté de se défendre contre le corps carcéral avec une détermination sans faille marquent une certaine forme de courage. 

Oser le refus de réintégrer contre un corps d'agents entraînés à la maîtrise des rebelles est relativement suicidaire, mais assez unique. Le refus de se soumettre tout à fait à la privation de liberté ainsi que l'obstination à vouloir garder une certaine esthétique nous rend le personnage non pas sympathique, mais suscite notre curiosité. Le fait que le journaliste exprime son désaccord et aussi ses doutes face à cette personne incontrôlable tempère l'arrogance de cette détenue hors norme qui, en acceptant de témoigner... se livre finalement ?

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