Imaqa, Flemming Jensen


 Pour pimenter sa vie, Martin, Danois, choisit d'enseigner à Nunaqarfik, au Groenland, un village que l'on atteint en traîneau à chiens ou en hélicoptère. Il ne parle pas la langue locale, mais qu'importe puisque l'objectif est justement d'y éduquer les enfants comme des Danois. Cependant, il apprécie que Gert, le chasseur, connaisse des rudiments de Danois et surtout accepte de l'affranchir aux coutumes de ce bout du monde. Il y a bien aussi Jakúnguak, l'adolescent rebelle revenu d'un an passé au Danemark, mais celui-ci critique de façon un peu trop radicales les usages de son pays et plus particulièrement les façons de procéder de ses parents, jusqu'à remettre en cause son propre père. Et même si ce village est protégé de nombreuses tentations, tout n'est pas rose dans ce pays : l'alcool fait des dégâts. Pourtant Martin s'y attache de plus en plus.

J'ai aimé l'humour de la situation, la critique aussi de l'administration, la découverte de ce milieu hors normes en tout point, et surtout les liens humains qui se tissent envers et contre tout.

Là où les souvenirs se révèlent, Delphine Giraud


 Thomas a craqué à l'école où il enseigne : burn out, à tel point qu'il se réfugie chez son père en Bretagne. Là, il est pris en charge par une communauté où il rencontre Jasmine. Et il y affronte son histoire tragique : la mort de sa mère, dans des circonstances troublantes. Qu'est devenue d'ailleurs sa sœur jumelle ? Au décès de sa grand-mère, il se rend au Portugal pour chercher des réponses, d'autant plus qu'il est bouleversé par ce qu'il apprend au sujet de sa chère cousine. 

J'ai beaucoup apprécié d'accompagner Thomas dans sa volonté de reprendre les rennes de sa vie, même si ses histoires de famille m'ont laissée perplexe. L'auteure traite le thème de l'abandon et les raisons ou les circonstances - fussent-elles dramatiques - de ce qui le déclenche ne me convainc pas tout à fait.
Quel est le dysfonctionnement de cette famille ?
Cela dit, du thème de l'abandon, je garde un questionnement. Et Thomas est attachant dans sa quête et l'histoire qui se noue avec Jasmine reste tendre en traversant des difficultés désarmantes. 

Une écriture fluide traversée par des rebondissements surprenants : un roman qui se lit bien !

Les âmes errantes, Cécile Pin


 Fin des années 70, Anh est envoyée par ses propres parents en éclaireuse avec ses deux frères pour gagner Hong Kong afin de fuir le régime vietnamien après la guerre. Elle n'est qu'une enfant qui doit soudain prendre en charge ses frères, car le reste de la famille n'arrive pas à bon port. Elle doit faire des choix et en réaction à la colère qu'elle éprouve contre la décision unilatérale de son père, elle opte pour l'Angleterre plutôt que les Etats Unis, où se trouve l'oncle à l'origine de leur exode. Mine de rien, même si c'est toujours insuffisant, nous voyons alors les organisations internationales à l'œuvre, qui s'affairent pour donner de nouvelles chances, infimes certes au regard de l'immensité du malheur des exilés.

En parallèle, d'autres bribes de récits - documentaires ou autres narrations - s'intercalent. J'ai aimé ce procédé qui permet d'absorber le choc de l'horreur qui nous est racontée, même si j'ai été un peu déroutée. L'auteur nous fournit ainsi des informations ou offre des digressions opportunes qui permettent par ailleurs d'étayer le récit. Peu à peu nous parcourons une vie, les circonstances du drames également, et nous découvrons comment ces déracinés souffrent, gardent les stigmates de leur passé, mais aussi se reconstruisent.  Et nous saisissons quelque chose de la culture vietnamienne.

J'ai aimé ce parcours non-linéaire, enrichissant et touchant.



Le livre de Neige, Olivier Liron


 En nous glissant les mots d'espagnol qui échappent encore à sa famille exilée d'Espagne, l'auteur nous livre le cœur de ses origines un peu comme son prénom Olivier, qui puise sa vitalité dans la nature brute de la péninsule ibérique.

Maria Nieves, prise d'abord dans la tourmente franquiste qui l'éloigne de la religion, subit ensuite les affres de l'exil voire du racisme ordinaire en émigrant en France. Mais son obstination lui permet de se glisser dans la société française et lui vaut l'admiration de son fils. 
Étudiant l'espagnol comme une gourmandise quotidienne, je me suis régalée en découvrant l'écrit personnel et fondateur de cet écrivain. Il transcende avec art une réalité qu'il habite.

Rose, sous-titré : me trouver sans te perdre, Sylvie Etient


 Rose réinvente sa vie. Un condensé d'humour féminin, même si les personnages masculins jouent un beau rôle avec le mari de toujours et encore malgré les années, ou le jeune introverti qui s'ouvre au contact de la nature.

Entre vie parisienne assumée et essais balbutiants dans une campagne vinicole, l'héroïne s'offre des transitions vers une autre façon d'exister, en prenant des risques inouïs : perdre son mari pour mieux le retrouver, troquer son confort contre une vie sans fard - loin de l'effervescence de la capitale dans laquelle elle a baigné avec reconnaissance -, se réfugier chez Gaïa, irascible paysanne (qui fait de la décroissance son credo), écrire l'histoire tordue d'un fait divers de ses dossiers d'avocate pour se lancer dans le monde si restreint des publications romanesques.
J'ai aimé la détermination fantasque de Rose, son ingénuité et son altruisme déguisé.
Une tranche de vie réjouissante et réfléchie à la fois, qui pourrait bien ouvrir de nouvelles voies pour penser sa vie.
Sylvie Étient poursuit ses écritures avec un roman jubilatoire à la hauteur de ses autres publications, piochant dans son ancienne activité d'avocate et s'ouvrant aux découvertes après une vie de citadine.
À découvrir !

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