Nouvelle étape pour Ciao bella : le manuscrit est nettoyé de ses coquilles (soyons optimiste), enrichi d'une pincée de romance et de paysages afghans. Luis, le sage ami péruvien, personnage secondaire bienveillant, s'est étoffé. 

Il sera proposé à un panel varié allant de la maison d'édition connue à la petite (en ayant à cœur d'étudier de près la ligne éditoriale pour éviter autant que possible le coup d'épée dans l'eau).

Et voilà sa page facebook  https://fr-fr.facebook.com/Ciao-Bella-1604071663249082/

Ma reine, Jean-baptiste Andrea

Viviane se compose un royaume, sa maison devient château, et Shell, son sujet.
Ce dernier, éternel solitaire et simple d'esprit, lui en est reconnaissant et attend tout d'elle depuis qu'il est parti en guerre et qu'il fait étape dans un abri sommaire quelque part au-dessus de la maison de ses parents.
Elle, elle semble le comprendre, enfin. Mattis aussi, le berger taciturne qui le recueille alors qu'il est victime d'une forte fièvre.
L'auteur nous entraîne dans la poésie de relations d'enfants, fortes et insensées. Les personnages sont attachants et on parvient à se glisser auprès de Shell, cet enfant dont les retards masquent une grande sensibilité.
J'aurai aimé que cette histoire puisse s'ancrer un peu plus dans la réalité, la tragédie est brutale, ce qui rend aussi ce roman poignant. Une belle écriture. Une histoire vécue comme un rêve.

Ouragan, Laurent Gaudé

Des repris de justice, une vieille négresse - c'est comme cela qu'elle se désigne elle-même-, un révérend illuminé, un homme aux prises de visions d'enfer sur des plate-forme de forage, et la femme qu'il a quittée six ans auparavant.
On se croirait sur une scène de théâtre.
Chacun déclame son histoire, alors que gronde la menace : l'ouragan engorge les rues, remonte les bâtiments, traque.

Chaque peur est unique, elles se rejoignent en des circonstances communes, chacun fait face à l'adversité à sa manière et se rencontre, de façon inattendue.

L'auteur nous fait plonger dans l'horreur et remonte dans le dédale d'existences brisées. Et surtout, au cœur de la tourmente, il fait surgir le sens. Des possibles se dessinent.

Magistral.

En vieillissant les hommes pleurent, Jean-Luc Seigle

Ouvrier chez Michelin, Albert se fait un point d'honneur à nourrir sa famille des productions de sa ferme ; il est aussi un passionné d'horlogerie.
Mais ce qui le caractérise le plus est le fait que, contrairement à son père et à son fils, il a été humilié par la guerre, lors de l'épisode de la Ligne Maginot.
Et il porte son mariage comme une obligation à remplir. Il ne voit plus les efforts que fait encore sa femme pour la sortir de son apathie. Il faut dire que Suzanne s'est éloignée de lui, elle a construit sa propre vie, à côté de lui.

L'auteur décrit le processus d'abnégation qui a conduit Albert à s'effacer, alors qu'il s'en est fallu de peu qu'il rencontre l'amour des siens. Il pénètre dans les détails de ces vies, simples, pour en dégager une histoire unique, et qui, en même temps, est un témoignage documenté d'une époque et du monde rural.

Le triangle d'incertitude, Pierre brunet

Depuis qu'il est rentré d'une mission militaire au Rwanda, Etienne est dans sa bulle. Impossible pour lui de saisir la main tendue de sa femme. Pire encore, il se laisse aller à des aventures sans lendemains voire avilissantes. 
Il a dû endosser un rôle passif au Rwanda pendant le génocide des Tutsis ; certaines interventions de protection ou de sauvetage ont été repoussées par peur de soutenir le Front Patriotique Rwandais contre les Hutus : il aurait pu sauver des vies et ne s'en remet pas.

Maintenant, il ne lui reste plus que Gilliatt, son voilier : c'est au travers d'un journal de bord que l'auteur retranscrit avec un style factuel, ponctué d'envolées désespérées, la solitude d'Etienne sur son bateau, son échec familial, et l'horreur qu'il a vécu loin de chez lui. 

Quelque peu désarçonnée par le jargon militaire, j'ai apprécié en revanche de trouver le vocabulaire nautique au cœur d'un roman : j'aime le génois qui faseye... un peu moins, certes, le foc ORC, qui manque de poésie, mais que je découvre ainsi grâce à ces bordées documentées. 
Calme plat au début dans ces aventures de marins : le journal instaure une sorte de routine qui permet de revenir sur l'horreur peu à peu, par à coup... Une apothéose sur la fin : le livre est bien construit et la chute dénoue quelque peu les drames de cet anti-héros qui a le courage d'affronter ses démons.

Ce roman permet de saisir les enjeux du génocide rwandais, la souffrance des militaires impuissants, tout en naviguant jusqu'aux îles Scilly, une destination rédemptrice qui ouvre une fenêtre d'espoir dans cette vie déchirée. 

Laver les ombres, Jeanne Benameur

La tempête qui se lève rend les confidences possibles entre une mère et sa fille. Léa est créatrice de ballet, elle vit à travers les corps qu'elle met en scène, mais elle ne voit pas pourquoi, elle-même, elle ne parvient pas à se donner à l'homme qu'elle aime.
Soudain, elle comprend que la réponse se trouve dans son histoire : il est temps de se confronter à ce qu'a vécu sa propre mère, Léa doit connaître l'histoire de sa naissance.

L'auteure se place sur le fil des émotions. C'est dans un souffle que se livre l'indicible vérité. Les phrases sont hachées, la vie s'écroule et semble prête à repartir à la fois : une fenêtre sur l'extérieur s'ouvre grâce à Bruno, l'amant patient ; l'espoir à saisir pour Léa.

L'amour doit faire face à des douleurs écrasantes. Et pourtant, il surgit encore, au cœur de ces tragédies mêlées, comme un phare encore vaillant dans la tempête.

Huit clos envoûtant, parfois oppressant, sauvé par son rythme et la retenue de ses personnages.

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