Depuis qu'il est rentré d'une mission militaire au Rwanda, Etienne est dans sa bulle. Impossible pour lui de saisir la main tendue de sa femme. Pire encore, il se laisse aller à des aventures sans lendemains voire avilissantes.
Il a dû endosser un rôle passif au Rwanda pendant le génocide des Tutsis ; certaines interventions de protection ou de sauvetage ont été repoussées par peur de soutenir le Front Patriotique Rwandais contre les Hutus : il aurait pu sauver des vies et ne s'en remet pas.
Maintenant, il ne lui reste plus que Gilliatt, son voilier : c'est au travers d'un journal de bord que l'auteur retranscrit avec un style factuel, ponctué d'envolées désespérées, la solitude d'Etienne sur son bateau, son échec familial, et l'horreur qu'il a vécu loin de chez lui.
Quelque peu désarçonnée par le jargon militaire, j'ai apprécié en revanche de trouver le vocabulaire nautique au cœur d'un roman : j'aime le génois qui faseye... un peu moins, certes, le foc ORC, qui manque de poésie, mais que je découvre ainsi grâce à ces bordées documentées.
Calme plat au début dans ces aventures de marins : le journal instaure une sorte de routine qui permet de revenir sur l'horreur peu à peu, par à coup... Une apothéose sur la fin : le livre est bien construit et la chute dénoue quelque peu les drames de cet anti-héros qui a le courage d'affronter ses démons.
Ce roman permet de saisir les enjeux du génocide rwandais, la souffrance des militaires impuissants, tout en naviguant jusqu'aux îles Scilly, une destination rédemptrice qui ouvre une fenêtre d'espoir dans cette vie déchirée.