La question est brutale, mais elle flotte souvent dans l'air. Que l'on parle
de banksters (pratiques spéculatives profitant notamment de moments de
crise) ou de traders (pratiques de marché ou d'optimisation fiscale
déconnectées de l’humain), le verdict populaire est sans appel : la
finance serait un milieu vicié, source de tous les maux, car elle inspirerait
ou serait encouragée par des patrons en quête de ressources pour
leurs salariés. En tant que professionnelle de ce secteur, je porte ce
fardeau au quotidien, mais je m'accroche à l'idée que le changement peut
encore venir de l'intérieur.
💔 Quand mon métier précède ma personne
Il y a quelques années, entre deux arrêts de RER, j'ai vécu une anecdote
révélatrice. Un homme s'est proposé de m'aider à porter ma lourde
valise et de m’aiguiller dans les méandres de Paris. L'échange était
cordial, jusqu'à ce qu'il apprenne mon métier. « Je suis financière »,
avais-je simplement dit, car mon titre : contrôleur de gestion me paraissait
ronflant et obscur. Bien mal m'en a pris : l'homme a lâché ma
valise, furieux, comme si la poignée de ma valise lui brulait la main. J’ai
senti ses reproches silencieux : à cause de moi, il avait aidé l'une des «
coupables ».
Cette réaction, violente, montre l'image dégradée de mon milieu. Non, je n'en
suis pas fière de cette image ! Pourtant, je continue à croire que mon
travail, bien fait, peut avoir un sens. Je m'accroche à l'espoir que mes
dirigeants pourraient donner/trouver une direction éthique et solide. Ma
devise : on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise! Cependant, un doute, ce
sentiment d'impuissance face à des causes diffuses, me pousse à me lancer de
nouveau dans un roman, jetant des personnages à la fois durs et ingénus dans
le bain de situations complexes, voire peu reluisantes, sous-tendus par des
nécessités financières.
Extrait de mon dernier roman :
Et, même si je réprouve les récriminations (un peu trop systématiques) de
ma chère collègue, je me demande si, parfois, je ne devrais pas dire « non
» aux exigences de BAM et du marché que je tâche de conquérir… Il faut
dire que certains jours, c'est comme louvoyer entre les requins dans un
bassin de piranhas.
✍️ De la fausse facture à l'aveuglement
J'ai passé près de huit années entre l'écriture de mon premier livre,
Résurgence d'un cœur oublié, et celui en cours,
Toute ressemblance avec des événements ou des personnages ayant existé
n'est pas tout à fait fortuite. Ce sont deux livres différents, mais ils convergent vers une même fatalité
: le travail acharné ne suffit pas face à l'inconséquence et à la
malveillance.
Les rouages imaginés ou inspirés de la réalité
Dans le premier, un comptable méticuleux, étranger aux intrigues, est
victime de chiffres mal compris, d'un compte off-shore et de fausses
factures. Sa chute est le résultat d'une malveillance externe et de
l'insensibilité d'un système rendu anonyme par les distances (webconférences
et mails) et la barrière de la langue (entre Paris et les États-Unis). Il
est victime d'un processus qu'il exécute sans vraiment le comprendre.
Dans mon second roman, c'est une commerciale qui fonce tête baissée dans le
travail, utilisant son engagement comme une échappatoire à une déception
cruelle qu’elle veut oublier. Elle prend conscience qu'elle est restée à la
surface des enjeux de l'entreprise et se retrouve démunie face à un nouveau
patron acheteur qui, d’emblée, démembre la structure.
Dans les deux cas, la compétence est là, l'investissement est réel, mais il
existe des failles, des zones grises peu avouables, où l'implication
personnelle ne peut rien contre la mécanique du système.
✨ L'Espoir de la compréhension
Alors, que faire ? La finance, service, outil, d’un patronat ambitieux aux
manettes d’affaires complexes est-elle condamnée à être un repoussoir ? Comment en arriver à une finance responsable ?
L'espoir réside dans des projets plus pragmatiques, potentiellement
moins ostentatoires. Dans mon deuxième roman, une affaire plus simple où
l’on est en mesure de mieux comprendre les rouages va constituer une porte
de sortie. Le comptable, lui, est sauvé par une
financière dissidente qui cherche à créer un environnement plus
humain.
Ce qui peut contrer la malveillance et les inconséquences dans notre milieu,
c'est également que des gens s'investissent, non pas comme des
« sous-fifres », mais comme des acteurs cherchant à comprendre les
rouages du système.
La finance est une machine souvent opaque. Pour la rendre plus éthique, il
ne suffit pas de dénoncer, il faut s'impliquer, se former, et exiger la
clarté.
C'est cet engagement — qui me fait rester dans mon métier tout en
écrivant pour dénoncer ses failles — qui pourrait transformer, je l'espère,
le jugement de l'homme de la gare en une simple réticence, ou en une envie
d’en savoir plus sur ce domaine de compétence qui devrait proposer des
outils au service de justes ambitions.
Pour aller plus loin :
Des sites pour les plus
curieux existent. Des initiatives comme celles de Lyon-La Duchère proposent des conférences
qui permettent de vulgariser les enjeux et les pratiques financières, comme celles des économistes atterrés.
De mon
côté, j'avais mis à profit un temps de chômage pour resencer des sujets
financiers à explorer, en détaillant dans un
blog des approches visant à les rendre compréhensibles par tout un chacun.
A toutes fins utiles...
