L'abandon de nos espaces non-citadins
Le clivage urbain-rural
D'où vient la montée des extrémismes de droite que nous observons aujourd'hui
? La question est complexe, mais l'écrivain italien Michele Serra offre une
grille de lecture troublante : il y voit d'abord la conséquence d'une scission
entre la campagne et la ville.
Si je l'ai constaté en France, j'ai été étonnée de découvrir la même analyse
de par le monde : la fracture de la société se nourrit de l'isolement des
populations campagnardes, un terrain fertile qui fait le jeu des extrémismes
de droite.
Si seules les villes votaient...
Selon Michele Serra :
Prenons pour exemple l'écart saisissant (en Occident, mais pas seulement)
entre le vote des grandes villes et celui, pour formuler les choses ainsi,
de tout ce qui n'est pas une ville : les villages et les campagnes, les
vallées et les montagnes. Si seules les grandes villes votaient, partout la
droite dite "populiste" serait détrônée. Trump ne tiendrait pas la
Maison-Blanche, Erdogan perdrait la Turquie, la Pologne serait laïque et
europhile, le Brexit n'aurait pas eu lieu. Orban, quant à lui, serait balayé
par la Marche des fiertés, et les ayatollahs seraient chassés par les jeunes
Iraniennes aux cheveux rebelles. Les lepénistes ne rêveraient pas de
l'Élysée, et Meloni et Salvini n'auraient jamais gouverné l'Italie. Si, en
revanche, seules les campagnes votaient, les progressistes ne seraient
partout plus qu'une minorité fragile; les droites nationalistes et
populistes régneraient sur toute l'Europe d'une main de fer.
Il Post, Milan
💔 Quand la fatigue mène à l'aveuglement
Ainsi, la source de cette montée ne résiderait pas toujours dans l'adhésion
idéologique pure, mais plutôt dans la manipulation de l'épuisement des
opprimés. Si la stratégie est ancienne, elle est terriblement efficace :
l'épuisement n'appelle pas la révolte ; il appelle la simplification.
Dans mon roman, Tous les matins, elle boitait, une scène illustre ce mécanisme. Jeanne, mon héroïne, est sidérée de voir
qu'Irmine, une femme qui a toujours vécu de travaux harassants (ménage,
manutention en usine), semble aveugle à la manipulation du Parti
national-socialiste allemand. Cette dernière ne voit pas que la haine des
étrangers est véhiculée pour satisfaire une quête de bouc émissaire et non
pas pour répondre à ses besoins. Elle cherche juste une échappatoire, une
solution simple et rapide promise par ceux qui exploitent sa misère.
L'épuisement est une forme de vulnérabilité. Quand l'individu est
constamment en quête de ressources pour se maintenir à flot, il devient
moins apte à décrypter les discours qui, sous couvert de solutions brutales,
s'attaquent en réalité à son désavantage... et à celui de l'humanité en
général.
📢 Le danger de la simplification et de l'isolement
Restaurer la solidarité et la complexité
La véritable menace n'est donc pas tant que les idées extrémistes séduisent,
mais qu'elles parviennent à s'imposer en profitant du vide créé par
l'abandon social et géographique. En isolant les individus (que ce soit en
campagne ou dans la précarité), on les prive des outils d'analyse critique,
rendant les théories simplistes et binaires des extrémistes terriblement
attrayantes.
Pour contrer cette montée, il ne suffit pas de débattre d'idées ; il faut
restaurer la solidarité, réduire l'épuisement et ramener la complexité là où
l'extrémisme propose une haine facile.
🌳 Préserver nos campagnes : enjeu écologique inspirant
Si l'article de Michele Serra a attiré mon attention, c'est aussi qu'il
alerte sur la nécessité de préserver nos campagnes, habitants et espaces
naturels. Pour ma part, après Tous les matins, elle boitait, j'ai
écrit À la hauteur, qui s'inscrit dans la branche littéraire de l'éco-fiction, dont
l'un des objectifs est de montrer des voies d'amélioration pour préserver la
nature. À découvrir pour explorer quelques pistes de réflexion, également
afin de s'offrir un moment de lecture... et de détente ?
