De sable et d'eau, Pascal Ruter

De sable et d'eau, Pascal Ruter

Un roman lu d'une traite.
Axel ressent du dégoût pour son père qui a attaché sur une aire d'autoroute le chien dont il prenait soin, parce qu'il a vomi dans la voiture. Le père avait demandé que la bête ne fasse pas partie du voyage vers les trois semaines annuelles de vacances dans un bungalow, rituel immuable pour faire face aux difficultés de l'année.
Grâce à l'intervention de Nelly, une vacancière amie des parents, Axel évite de peu la honte infligée encore par son père qui raille les sentiments découverts dans des poèmes écrits dans sa chambre. Alors quand il la découvre en train de recevoir des coups de son mari, c'est tout naturellement qu'il prend sa défense.
Quand l'événement vire au drame, Axel est déboussolé : il ne sait plus démêler le bien du mal.

En quoi la littérature et plus particulièrement l'éco-fiction peut nous amener à agir différemment pour la nature ?

littérature se positionner dans la nature

Réfléchissons aux livres qui nous ont apporté la nature sur un plateau, soit pour réfléchir à ce que nous en faisons, soit plus simplement, pour plonger dans un décor où le narrateur se sent à son aise, voire dans une nature qui garantit des ressources essentielles. Ici je traiterai de l'éco-fiction au sens large, en m'appuyant sur des livres où la nature joue un rôle primordiale, sans que l'intention de l'auteur soit forcément de sensibiliser aux enjeux écologiques. 
De mon côté, l'éco-fiction est un genre nouveau dans le lequel je me suis lancée pour l'écriture de À la hauteur. Il me paraît important de développer l'impact de la lecture pour une meilleure connexion à la nature, car le sujet des urgences climatiques devient de plus en plus anxiogènes et qu'il n'est pas facile de se positionner face à ces exigences.

Des cadres bucoliques aux mondes extrêmes


Une histoire est placée dans un cadre plus ou moins bucolique qui nous permet de nous transporter dans tel ou tel milieu naturel. Dans L'enfant et la rivière de Henri Bosco, Pascalet découvre l'univers enchanteur et inquiétant de la rivière à ciel ouvert. Ici, la nature a des vertus éducatives. Dans le roman de Sandrine Colette, Madelaine avant l'aube, les villageois, sous le joug d'un seigneur autoritaire, n'ont d'autres ressources que celles tirées de la nature, pour lesquelles le tyran leur a d'ailleurs octroyé de bien maigres droits. La nature est scrutée pour en tirer un maximum de profit, elle octroie des années de vie difficile.

Reconstruire l'humanité : le post-apocalyptique comme espoir


D'autres histoires se placent dans des situations plus imaginaires et encore plus extrêmes comme le roman de Marie Pavlenko Et le desert disparaîtra. Ici, la jeune Samaa, personnage touchant qui trouve sa voie dans l'aridité du désert - et même ouvre une possibilité pour les siens -, vit une expérience initiatique prenante. Sa tribu doit filtrer sa propre urine pour avoir de l'eau, ce qui n'est pas d'ailleurs sans rappeler le distille d'une fiction célèbre que certains d'entre vous connaissent, j'en suis sûre... : Dune de Frank Herbert. 

L'humain d'abord

Ces histoires extrêmes n'ont pas d'abord pour fonction de nous enseigner comment utiliser les ressources naturelles ou à nous apprendre des techniques de survie. Elles nous invitent plutôt à nous positionner par rapport à la nature, possiblement en prévisions d'événements naturels à venir, mais pas forcément non plus. Finalement, si la nature prend une place dominante, les personnages, qui guident le récit, sont bien des êtres humains. 

Le pouvoir de l'imagination

En quoi ces lectures nous préparent à mieux réagir aux besoins de notre environnement ou à affronter des catastrophes naturelles potentielles ? La littérature de fiction, voire de science-fiction, fait appel à notre imagination pour nous amener à déterminer ce qui nous paraît finalement justifié. Peu importe qu'il s'agissent de situations possibles, l'idée est d'entraîner notre imagination, un peu comme un muscle, pour approcher de plus en plus près ce que nous comprenons, ce que nous jugeons crédible, ce que nous envisageons. Elle nous amène à nous demander ce que nous considérons comme juste ou acceptable. En d'autres termes, elle nous prépare non pas à affronter la catastrophe, mais à y réagir avec nos valeurs.

A la hauteur : une écofiction cosy post-apocalytique

Au-delà de la catastrophe : la résilience matérielle et sociale


A la hauteur, Mélinda Schilge

En ce qui me concerne, j'ai travaillé avec des astrophysiciens et divers scientifiques pour examiner comment les évènements de mon livre À la hauteur pourraient se produire. J'ai choisi de garder mon hypothèse fictionnelle même une fois que j'ai établi qu'il est impossible que ces évènements se réalisent comme je les ai imaginés. Ceci contre l'avis d'un certain scientifique connu... En effet, À la hauteur n'a pas pour objet d'aboutir à une publication scientifique. D'ailleurs, une fois l'histoire établie dans un milieu devenu a priori hostile, je propose avant tout une reconstruction tant sur le plan matériel que sur le plan sociologique. Mon roman qui pourrait être de prime abord classé en post-apocalyptique est finalement un cosy post-apocalyptique. Il s'agit de centrer le déroulement de l'histoire sur la reconstruction et cette reconstruction passe par un lien retissé avec la nature, mais aussi par un lien au sein de la nouvelle société qui émerge de ce chaos, dont il faudra par ailleurs déterminer les nouvelles règles. 

Modernité et écologie : un équilibre possible


Une remarque à ce sujet : dans mon roman, il ne s'agit pas de rejeter la modernité. Si dans mon récit, il n'y a plus ni Internet, ni l'électricité, le besoin en énergie et en moyens de communication est toujours là et il est toujours souhaitable de remettre en route les différents réseaux... peut-être en réfléchissant autrement. J'ai pris l'hypothèse que, par exemple, on ne chercherait pas forcément à relancer le nucléaire. Quant au besoin de transport ou de communication, on réhabilite des moyens du passé. Pourtant, par exemple, la remise en route d'Internet à terme ne paraît pas illogique. Toutefois, on le relancera probablement d'une autre manière.


Les convictions de l'auteur derrière le récit


Chaque auteur, aussi imaginatif soit-il, s'appuie sur un modèle. De mon côté, au-delà des reconstructions proposées, j'ai écrit mon livre avec des convictions écologiques. D'ailleurs, au départ, j'avais l'intention d'organiser cet atelier en partenariat avec l'AMAP de la Duchère. Je suis convaincue que cette association et le mouvement écologique en général portent des solutions saines et de bon sens. D'ailleurs, pour ceux qui voudraient en savoir plus sur le fonctionnement de l'Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne, des flyers sont à votre disposition. 
Finalement, j'ai pris conscience que le lecteur de A la hauteur pourrait être amené, à partir de sa lecture, à appréhender différemment les scénarios inattendus que nous pourrions vivre, à mieux se préparer à des bouleversements potentiels. Et c'est aussi dans cette optique que j'ai tout de même pris soin, en postface, de détailler et de documenter ce qui pourrait être possible et ce qui reste impossible - ici, contre l'avis de ma relectrice préférée. 

Cependant, je conclurais avec un conseil de F. Herbert, rapporté dans un podcast de Radio France qui, plutôt que de prôner des préceptes écologiques, incite à la prise de conscience personnelle : N'abandonnez pas toutes vos facultés critiques face aux personnes au pouvoir, peu importe à quel point elles semblent admirables. C'est bien l'objet de la saga célèbre Dune, qui a traversé les dernières décennies. Ayons confiance dans les scientifiques et les politiques qui travaillent sur la protection de la nature, mais aussi en nos intuitions, aux grains de sable qui constitueront des solutions au bout du compte.




J'espère que ce détour sur l'une des fonctions de la littérature, qui nous invite à trouver notre place et notre rôle au sein de la nature, vous donnera de nouvelles clefs de lecture. Pour moi, l'éco-fiction n'a pas vocation à nous proposer des leçons d'écologie, mais plutôt à affiner notre perception de ce que nous sommes et devons être à l'égard de la nature. Je me souviens de mes cours de philosophie où l'on parle aussi de nature... humaine... Cependant, je risque de nous perdre si je m'avance dans cette voie. Cela dit, je pense que l'éco-fiction, en parlant de la nature qui nous entoure, nous parle aussi de nous ! Et elle peut être un outil pour mieux affronter les urgences climatiques.

Prochainement : je vous propose une rencontre sur l'écofiction et l'écriture indépendante ou auto édition à la bibliothèque de la Duchère, Lyon 9, le 15 novembre ! 🗓️


Colères du vivant, Sophie Daull




Solange ne désespère pas de trouver la part humaine de son voisin, un paysan bourru apparemment invivable. Et sa motivation grandit encore quand elle découvre qu'il a une fille qui est partie définitivement. Pour elle, cette fin de non-retour n'est pas possible. Cette rupture entre un père et une fille devenue militaire doit être réparée. Alors, elle se met à lui écrire sans fioriture pour lui parler de son père avec ses qualités et ses défauts. Elle espère la faire revenir.

Chassé-croisé d'émotions, de rencontres improbables, ce livre m'a touché par sa poésie et la désinvolture des personnages. Leur humanité cachée derrière leur colère fait surface à travers les mots lâchés tous azimuts. Le destin joue sa part aussi, créant de malencontreux contretemps.

À découvrir.

Note d'atterrissage et d'intention - Les bancs de la place publique

Nouveauté Mélinda Schilge

Annonce d'une nouveauté imminente, enfin.... à venir, pour sûr : 
->   Les bancs de la place publique, mon dernier roman ou plus précisément, novella (la deuxième), entre en relecture ! Ce sera ma cinquième publication.

La place publique : croisements aléatoires


Place publique
À l'origine, je désirais me plonger dans la richesse sans limites des rencontres possibles sur une place au cœur de l'effervescence d'une ville.
Cette place, c'est un lieu que je connais bien. À cet endroit, m'a traversée l'envie d'en savoir plus sur le vécu, et le présent ! des personnes croisées. Sur cette place, j'y suis venue en faisant mes courses, lors de rendez-vous donnés dans un bar ou en patientant à un arrêt de bus, ou encore en m'engouffrant vers un quai de métro.


La genèse d'un roman choral : personnages tirés de mon univers d'écrivaine et d'émotions personnelles


Le premier personnage que j'ai mis en scène est tiré de mon dernier roman. Il s'en distingue : il vit à une autre époque et n'a pas le même passé, mais il est tout aussi enragé. Un syndicaliste avec qui j'ai travaillé il y a une quinzaine d'années m'a inspiré ses réactions.
Un deuxième porte le même prénom que la petite fille lumineuse de Ciao Bella. Elle en a l'enthousiasme, mais souffre de l'incurie de ses parents, malgré une jeunesse dorée vécue dans une banlieue bourgeoise aérée.
Le dernier s'est imposé du fait que j'éprouve de la curiosité et de la compassion pour ce pays au destin terrible : l'Afghanistan. Ehsan est devenu le personnage qui tire l'histoire. Il est victime collatérale d'un évènement qui aurait pu être sanglant, tandis que les deux autres s'y rencontrent. 


Droits et sociétés d'aujourd'hui


J'ai d'abord cherché à faire correspondre les trois histoires, ou au moins, je voulais qu'il y ait un écho évident pour créer un liant. Ensuite, je me suis attardée sur les deux dimensions de ce roman choral : les droits de ses passagers éphémères et leurs vies sociales. (Le problème de la loi se pose surtout pour Ehsan, car il est migrant.)

Au bout du compte, trois arcs dramatiques se dessinent sans se superposer ou s'opposer. Ni complémentaires, ni semblables. Cependant, ils forment un tout, un peu comme dans Il y a des jours et des lunes de Claude Lelouch. Tout comme dans ce film, la mort, évitée ici, est l'un des dénominateurs commun.

Toutefois, si cette épée de Damoclès maintient la tension, un autre fil indicible relie les récits entre eux.

Échanges de bons procédés

Une citation de Saint-Exupéry résume pour moi l'intention de cette nouvelle fiction : 
Aimer ce n’est point nous regarder l’un l’autre, mais regarder ensemble dans la même direction. 

Peut-être peinent-ils à aimer, Ehsan, Michel et Stella. Toutefois, m'est apparu que, chacun à sa façon, ces personnages contribuent à faire avancer les choses. Leurs actions permettent directement ou indirectement de défendre la dignité de l'un d'entre eux, alors même qu'ils ont si peu en commun...   et pourtant si : le fait d'être humain, dans tous les sens du terme.

Alors, le symbole de la place publique remplit sa fonction : celle de donner à tous le droit de cité, aussi différents soient-il. 




Souhaitant que cette novella, hybride mais concentrée sur trois personnages avec une unité de lieu (même si l'histoire conduit à s'en écarter) fasse résonner des thèmes chers aux cœurs de lecteurs d'aujourd'hui.

Eufrasia Vela et les Sept Mercenaires, Gustavo Rodriguez




J'ai été déstabilisé par la facilité avec laquelle les personnages envisagent de passer à trépas. L'assistante à domicile, Eufrasia, elle, affronte courageusement les demandes de ses patients et accompagne du mieux qu'elle peut, avec l'aide discrète de sa sœur. Elle éprouve de l'affection pour ces personnes au bout de leurs vies. Cependant, le doute persiste.
Ce qui m'a paru difficile à approcher est le désir d'en finir pour cause de vieillesse et surtout ensemble, soudé par une belle amitié.
Le dernier passage, différent, m'a d'abord arrêtée. Trop difficile pour moi. J'ai finalement poursuivi et j'ai accepté cette histoire, émouvante. Elle m'a permis aussi de voyager, dans une zone lointaine pour moi : Lima.

Étrange lecture. Qui restera en mémoire.

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