La Convention de Genève : fondement de la protection
Le choix de l'exil est souvent dictée par la peur et l'urgence. L'arrivée en
France, pour un réfugié, ne marque pas la fin des épreuves, mais le début
d'un processus administratif et psychologique intense : la demande d'asile.
Ce parcours est encadrée par la Convention de Genève qui offre des
garanties, mais reste compliquée pour ses bénéficiaires. Elle définit le
réfugié comme toute personne qui ne peut ou ne veut se soumettre à
l'autorité de son pays d'origine en raison de craintes bien fondées d'être
persécuté.
Pour les États signataires, cela implique une obligation solennelle :
accorder une protection internationale (temporaire ou permanente) aux
personnes reconnues comme réfugiées.
Quand j'ai commencé à donner corps à mon personnage réfugié pour mon prochaine novella : Ehsan, j'ai
ressenti un sentiment de fierté d'appartenir à un pays signataire de cette
convention.
Les règles d'or de la demande : temps et territoire
La demande d’asile doit être déposée dans un délai contraint, généralement
entre 90 et 120 jours après l'arrivée.
Cependant, une règle fondamentale s'applique : le demandeur doit déposer sa
requête dans le premier pays européen d'arrivée où ses empreintes ont été
enregistrées (comme l'Allemagne ou Lampedusa, par exemple). Une demande
faite dans un pays ultérieur, si ce n'est pas le premier point d'entrée,
peut être considérée comme dilatoire et compliquer la procédure
(règlement de Dublin).
Ehsan, mon personnage, lui est arrivé directement en France (hypothèse difficile à étayer, surtout qu'il résidait encore à Kaboul, après le 15 aout 2021 : prise de pouvoir des Talibans qui n'autorisent plus d'émigration par la suite.)
En France, la première étape administrative se fait à la préfecture du lieu
de résidence. Pour cela, l'obtention d'une domiciliation est cruciale,
souvent facilitée par la solidarité communautaire ou des organismes
spécialisés (comme le GUDA, par exemple).
L'épreuve du récit : L'OFPRA
Une fois
l'enregistrement préfectoral effectué, le véritable travail commence : la
rédaction du récit personnel. Le demandeur a environ 21 jours pour envoyer son
histoire à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides
(OFPRA).
Cet exercice est un stress immense, car c'est point de
non-retour : faire une demande d'asile est un acte fort, car cela signifie
qu'il n'y a pas de retour possible vers le pays d'origine. Y retourner serait
interprété comme un acte d'allégeance au régime que l'on fuit, remettant en
cause la crainte bien fondée de persécution.
L'attente et la preuve
Durant les six premiers mois, le demandeur peut percevoir une allocation d'attente (ADA) et, ensuite, s'il n'a pas encore reçu de décision de l'OFPRA, il a le droit de travailler.
L'étape décisive est la convocation à l'entretien OFPRA. C'est là que le récit écrit prend vie. Le demandeur doit être précis, apporter des éléments de preuve et détailler le lieu, le moment et la manière dont les faits de persécution se sont produits. Il est essentiel de démontrer que la menace est toujours actuelle.
Dans mon prochain livre : Les bancs de la place publique
Comme beaucoup de Hazaras, ma famille a vécu en Iran plusieurs années.
J’ai vécu là-bas jusqu’à l’âge de 17 ans. Je suis allé au lycée alors
que mon père travaillait sur des chantiers. Après l’arrivée des
Américains en Afghanistan, l’Iran nous a renvoyé au pays : mes parents ont dû repartir vu qu’ils n’avaient plus de titre de séjour,
alors que je voulais devenir médecin, comme mon frère.
Quelque temps après notre retour en Afghanistan, mon père a été
agressé parce que les talibans voulaient me recruter. Pour éviter des
représailles sur ma famille, je suis parti dans une madrasa, et j’ai
été formé par les talibans quelque temps.
Cet apprentissage ne me convenait pas et je me suis enfui, pour
retourner en Iran. Mon frère m’a fait rentrer comme aide-soignant,
mais je l’aidais et notamment, j’ai pu m’occuper de la fille de
l’ambassadeur de France, qui a fait croire que je parlais français (en
réalité, c’est elle qui voulait me l’apprendre) et aussi parce que mon
oncle connaissait quelqu’un à l’ambassade. J’ai pu avoir un visa
étudiant, même si l’ambassadeur, lui, n’a pas cru que j’étais
étudiant.
Mon père est mort après un séjour en prison. On ne sait pas pourquoi.
Mon frère et moi, on a pensé que je pourrais mieux aider la famille en
restant en France. De toute façon, je ne peux pas rentrer en
Afghanistan où les talibans qui m’ont formé me cherchent. Ils estiment que je ne suis pas un bon musulman, car je n'ai pas accepté docilement leur enseignement. Jamais je n'aurais du entrer dans cette madrasa Ils sont
venus à la maison. Une fois, ils ont vu ma sœur qui chantait et ils
l’ont violemment réprimandée.
Maintenant, je voudrais vivre loin de la guerre et des
fanatiques.
Un Chemin long et inégal
Une fois l'entretien passé, l'attente se prolonge.
À titre d'exemple, pour les demandeurs Afghans en 2023, le délai moyen entre l'entretien à l'OFPRA et l'obtention éventuelle d'un titre de séjour en France est d'environ neuf mois. Ce délai est une moyenne et peut fortement varier selon la complexité du dossier, l'interprétation des preuves et les procédures d'appel.
Si un demandeur d'asile peut travailler en France après 6 mois sans réponse de l'OFPRA, il faut que cela soit son employeur qui fasse la demande d'autorisation de travail. Pour Ehsan, après de petits travaux payés de la main à la main, Ehsan peut enfin travailler dans un centre d'hébergement pour mineur.
Dans mon prochain livre, bien que ce parcours aboutisse, il reste une tragédie, car Ehsan, tout en s'installant, ne peut pas permettre à sa famille d'échapper à la fatalité afghane. Cependant, en tant qu'écrivaine, j'ai été tentée d'écrire un récit heureux, car de nombreux exemple montrent que des exilés ont pu avoir de belles destinées, et même d'œuvrer de façon bénéfique pour la France. Combien de Français célèbres ont émigré de leur pays natal ?
