L'enfant dans le taxi, Sylvain Prudhomme


 Ce livre commence comme une voix sourde sans virgules et s'amplifie avant de trouver un équilibre au travers de la quête d'un homme qui veut redonner sa place à un « bâtard » de la famille, écarté après la guerre - et d'autres fois encore -, malgré des tentatives des uns et des autres pour réparer un moment d'égarement. 

Simon part sur les traces de l'anonyme M., fils non reconnu par son propre grand-père, après le décès de ce dernier. Lui-même est éprouvé par une rupture. 

D'abord, j'ai cru ne pas pouvoir entrer dans ce style minimaliste en dehors des conventions, puis je me suis laissé entraîner. Et j'ai aimé suivre ce processus de réappropriation, ce lien tissé avec soin.

À découvrir.

Alors c'est bien, Clémentine Mélois


 L'auteure se prépare à perdre son père, sculpteur-récupérateur de ferrailles en tout genre, original jusque dans les moindres détails de sa vie. La beauté du parcours de cet homme aux portes de la mort est dans son détachement et son acceptation de ce qu'il endure, mais aussi dans ces dernières volontés où transparaît son amour pour les siens. 

Un récit poétique qui dépasse dans le temps et dans le fond l'instant fatidique, grâce à des jalons issus des paroles et des écrits de cet artiste. 

L'auteure a su tirer la magie qui se dégage de l'art de son père et de sa fidélité à sa femme et à ses enfants. Elle montre aussi le travail de deuil qu'elle opère méticuleusement et avec amour.

 À lire.

Et à relire.

Le livre perdu d'une pirate de l'Edelweiss, Brianna Labuskes


Ici est mis en valeur à la fois le pouvoir constituant des livres et le courage de deux sœurs, l'une d'entre elles, Cristina, s'étant pourtant compromis au contact des nazis. 

Emmy est venue depuis les USA pour s'engager dans un corps de l'armée afin de s'occuper des livres usurpés pendant la guerre. Intriguée par une annotation, elle escamote un ouvrage pour lui donner plus de chance de parvenir à son propriétaire originel. Malgré sa désobéissance aux règles, elle est soutenue par son supérieur qui l'aide même dans sa quête. 
En parallèle, nous découvrons l'histoire d'Annelise aux débuts de la guerre qui s'enfonce dans la clandestinité pour échapper aux Jeunesses hitlériennes et lutter contre les nazis, et de sa sœur, plus ambiguë, mais tout aussi touchante. Bien que foncièrement divergentes dans leur façon d'appréhender le danger, elles nous livrent ici l'histoire d'une sororité poignante. Tour à tour ennemies et liées pour la vie, elles font leur chemin. 

Quelques longueurs, une histoire au premier plan qui s'efface devant les drames de l'Histoire.
Qu'il est terrible de penser à toutes ces jeunesses laminées par un pouvoir totalitaire !  
J'ai retenu surtout la construction douloureuse, destructrice parfois, de cette relation profonde de sœurs partagées entre leurs convictions profondes et leurs combats, et leur fidélité l'une envers l'autre. Elles s'opposent jusqu'à se haïr, mais risquent leurs vies pour se venir en aide tout en se cachant des secrets qu'elles croient inavouables.

Llaria ou la conquête de la désobéissance, Gabriella Zalapi

 


Llaria est une enfant qui aurait dû poursuivre une vie d'écolière. Au lieu de cela, elle s'accommode d'un road trip improvisé, errance souvent douloureuse qui prend des airs de vacances interminables. En réalité, elle est prise en otage par son père, qui veut faire payer à sa femme une rupture inconcevable pour lui. Ce faisant, il prive la fillette de tout contact avec sa mère et la sort brutalement d'une enfance ordinaire.

Malgré les contradictions et les manquements de son père, Llaria relève cependant la beauté de son geste : il ne veut pas obéir à la bienséance en souvenir de son amour passé. En rendant les armes pour éviter un combat perdu d'avance, il se soumettrait à l'idée que l'amour qui tient toute sa vie doit être oublié, enfoui dans son coeur malade rien qu'à l'idée de tourner la page. Pour rien au monde, il ne se soumettra à cette rupture inique. Même pas pour sa fille...

Ce récit court m'a captivée. La candeur de Llaria, mêlée à la tragédie vécue par son père, rend cette virée possible. L'apprentissage est rude, mais ce qu'ils vivent, chacun de son côté finalement, leur permette de grandir ou au moins d'affronter la vie, à leurs façons.


Naufragés sans visage, Cristina Cattaneo

Quand un mort est charrié par la mer, les techniques d'enquête forensiques qui visent à déployer un large spectre de compétences pour en connaître l'origine, sont mises à mal par la distance parcourue. Peut-être l'une des raisons qui a fait que l'on a mis si longtemps pour chercher à nommer les cadavres issus de l'immigration clandestine en Méditerranée et pourtant quoi de plus normal ?
Ce témoignage poignant décrit avec une précision toute scientifique, mais aussi une empathie toujours renouvelée le parcours d'une petite entité italienne qui a permis que cette injustice criante soit dénoncée. A travers le travail de cette professeur médecin légiste et son équipe, il paraît enfin nécessaire de donner un nom à ces personnes, qui ont perdu la vie en traversant à leurs risques et périls la mer Méditerranée, afin de pouvoir mieux vivre ailleurs ou tout simplement survivre.
J'ai découvert avec un grand intérêt cette science qui a établi de nombreux protocoles pour donner un nom à ces victimes, afin que les proches puissent faire leur deuil. Une évidence. Et pourtant, auparavant, ces corps restaient sans identité.
De plus, Cristina livre aussi la force de son engagement, et considère les êtres vivants qui sont devenus, par malheur, des corps inanimés.

Passionnant tant par les techniques déployées que par l'enjeu humain de cette mission dont on espère une fin ou au moins une résolution digne et respectueuse, car il s'agit dans le fond d'un problème majeur pour l'humanité. 

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