Un pas après l'autre, Fanny Myjany


 De prime abord, cette romance s'engage dans une histoire classique : nous découvrons Vic, la bonne copine (certes truculente), et des protagonistes qui tâtonnent. Le milieu du kitesurf plutôt cliché pourrait nous persuader que nous allons peu sortir des sentiers battus, mais ici pas de minets qui ne jureraient que par leur sourire dévastateur et leur lunettes de soleil puisque nous sommes sur la côte d'Opale, sur les côtes de la Manche. D'autre part, l'auteure s'obstine à nous cacher le secret d'Adèle et une particularité touchante de l'élu de son cœur est qu'il ne cherche pas à le percer, ce secret. Cependant va-t-il résister à la jalousie, surtout si le piège est tendu par une personne proche, sous couvert d'amitié ?
L'auteure est parvenue à maintenir ma curiosité en éveil pendant une première partie qui dresse le décor sans se presser. Sporadiquement, Adèle écrit des lettres à un certain Johann, qui respirent un amour empêché certes, mais authentique, tout en s'autorisant en toute honnêteté une aventure dont elle convient douloureusement qu'il ne s'agit pas d'une amourette sans avenir possible. Alors ?

J'ai été émue par la dernière partie. Et j'ai aimé que l'auteure prenne là aussi le temps de nous acclimater à son retournement et de nous offrir une belle situation finale.

Un roman que je recommande !

Topolina, Astrid Waliszek

 

Un personnage étrange mais entier : Topolina est une femme recluse en elle-même et dans une vie étriquée entre des ménages à un domicile vide (dont la donneuse d'ordre communique via des textos) et des sandwichs à réaliser dans un restaurant où personne ne lui parle.

On sent qu'elle cache quelque chose et qu'elle cherche à étouffer un bouillonnement de créatrice qui la pousse à sculpter d' une étrange façon dans le vide de son appartement.
Le personnage est attachant et j'ai eu envie qu'elle sorte de sa coquille quand enfin elle semble revenir à la vie - lorsqu'elle rencontre un enfant qui la pousse en avant. Mais ses pulsions la cloisonnent dans un enfer dont il sera difficile de sortir.
La fin m'a semblé trop courte : même si elle apporte un dénouement attendu, j'aurais aimé en savoir un peu plus ou peut-être rompre un peu plus le cercle vicieux dans lequel elle s'est enfermée. Mais peut-être que la volonté de l'auteure est justement de faire ressortir la violence, insidieuse, qui se tapit dans les interstices d'une vie qui peine à avancer.
Une lecture atypique.

Le Figuier des Engoulevents, Jean Ducreux


Constantin est à un tournant de sa vie, non pas - comme il le pensait - grâce à un renflouement opportun qui aurait pu apaiser quelque peu les tensions de son couple, mais du fait de l'apparition d'une nouvelle personne qui donne un étrange dénouement à la saga familiale de son enfance douloureuse. Attachée à sa fille, il va pourtant prendre des décisions radicales remettant en cause leur équilibre - certes précaire.

Si ce livre se démarque par une certaine simplicité par rapport aux autres romans de Jean Ducreux, il garde la précision et la richesse de cet auteur prolifique qui nous enchante avec de petites touches de vocabulaires peu usuels. J'ai apprécié de retrouver la distinction inégale de son style rythmé par son humour légendaire avec ce personnage qui se livre cependant avec beaucoup de naturel et d'authenticité. Les pensées de Constantin attirent quasi immanquablement le sourire tant elles sont en décalage avec la situation présentée, tout en se démarquant aussi par leur finesse.

De surcroît, l'intrigue offre une certaine complexité et s'enrichit au fil des pages de personnages secondaires, comme Zéphirine, autrefois au service de sa famille, ou Faustine, qui fascinait « l'adulescent » peu mature qu'il était. Reste cependant un pilier de sa vie adulte : Gabriel Dalili pied-noir et ami de longue date qui nous vaut quelques échanges francs et truculents, que l'on retrouve aussi lors d'affrontements contre son meilleur ennemi : Hadrien Fabrezan.

J'aurais aimé en savoir un peu plus sur le devenir des personnages avant de les quitter, mais j'ai été confondue par la fin désarçonnante, à l'image de l'auteur qui signe ici un roman chargé en émotions.

Un sacré moment de lecture !


La ferme africaine, Karen Blixen

 Un témoignage étonnant d'un autre monde, d'un autre continent, d'une autre époque. Comment Karen Blixen a-t-elle pu vivre si longtemps avec des Noirs de culture si différente ? Certes, elle a des contacts avec des Européens, Britanniques ou autres, mais c'est bien de ces tribus du cœur de l'Afrique qu'elle veut nous parler, et aussi d'hommes et femmes qui se sont mis à son service avec une fidélité à toute épreuve, d'une faune sauvage, d'une nature qui se fait rarement mais brutalement féconde et de paysages grandioses.

Ce témoignage est très descriptif, mais on s'émerveille facilement de ce lieu unique avec l'auteure. Pudique, elle nous révèle peu de chose sur sa vie intime, même s'il apparait sur le tard qu'elle est très proche d'un ami amateur de Safari et d' histoires, en particulier quand elle les raconte.
Un bon moment passé dans ce décor d'exception avec des êtres singuliers. Même si je m'attendais plus à trouver un roman poignant dans ce livre célèbre, j'ai découvert à travers les yeux de Karen Blixen un univers qui m'a transportée... ailleurs.

Lorsque le dernier arbre, Michael Christie

Nous entrons d'abord au cœur d'une dystopie dont Jake, spécialiste des arbres (dendrologue), est le personnage central. Endettée, elle anime des visites dans l'un des rares lieux où l'on peut encore espérer que la Terre puisse rester un lieu de vie pour les êtres humains.
Parce qu'il y a des arbres.
Les arbres, on les retrouve dans la vie d'Harris et Everett, orphelins des années trente. Pour l'un, ils permettront un succès fulgurant ; pour l'autre, ils ne sont qu'une planche de salut pour le sortir de situations inextricables. Bien qu'Harris détruise les arbres pour s'enrichir, le récit de sa vie reste touchant, notamment au travers de l'acceptation de son homosexualité notamment grâce à un Irlandais qui se fait "descripteur" de ce qui l'entoure, car, adulte, il ne voit plus. Everett, lui, nous entraîne dans une fuite pour sauver sa peau, mais aussi celle d'un bébé qu'il a recueilli malgré sa précarité, avec le journal intime de sa mère... Et ici commence l'arbre généalogique de Jake, que l'on redescend peu à peu, en passant notamment par Willow, une femme attachante et ambiguë à la fois, car elle impose la misère à son enfant pour suivre ses propres convictions, incluant la préservation des arbres alors qu'elle aurait pu bénéficier de la fortune d'Harris.
Une saga prenante. Dense pour ce qui est du passé de la famille de Jake, dans lesquels je me suis parfois un peu perdu, mais toujours avec l'idée que ce détour finira par donner un avenir à Jake. Les protagonistes ont de fortes personnalités, mais j'aurais aimé que l'on suive aussi Jake un peu plus longtemps pour découvrir comment fonctionne l'envers du décor de la forêt de la dystopie. Cependant, je garde en tête la mise en garde sous-jacente de ce récit qui fait de l'arbre le centre de la préservation de nos sociétés.
Un livre dont je me souviendrai, même si je crois que nous parviendrons à mieux protéger les arbres que dans cette dystopie, peut-être justement grâce à ce genre de roman...

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