Une dernière danse, Victoria Hislop

Quand le pincement des cordes de la guitare irrigue les membres de la danseuse, son corps exprime sans ambages la douleur de toute une vie. L'auteure nous plonge dans les affres et les couleurs du flamenco pour nous rapporter les atrocités de la guerre civile espagnole et la survie de ses rescapés : Sonia s'extirpe d'une vie terne grâce à ce rythme mystérieux qui l'emmène jusqu'à Grenade. Là un cafetier raconte l'histoire des Ramirez, saignés à vif par les convictions franquiste de l'un des fils, et par les évènements funestes qui amputent peu à peu cette famille écartelée.

À travers la quête de Sonia, l'auteure nous montre une Espagne encore debout. En se berçant de ce récit terrible, son héroïne contemporaine qui tente de donner du sens à sa vie... en retrouve, peu à peu, l'essentiel.

Les naufragés des Auckland, F.E. Raynal

XXième siècle

François-Edouard est un second persévérant : Bien que le Grafton - la goélette avec laquelle il devait explorer des îles de la Nouvelle-Zélande - ait échoué, il poursuit l'écriture de son journal de bord.
Pendant dix-huit mois, cinq rescapés survivent avec ténacité au gré des chasses aux lions de mer, qui constituent quasiment leur seul moyen de subsistance : on comprendra que cet animal soit un thème central de cette histoire épique !
Ces hommes vont aussi bâtir une maison, un foyer, avec des lits recouverts de mousse. Ils vont réussir à tanner des peaux, produire un savon, de l'huile pour s'éclairer. Ils instaurent aussi des règles sociales, qu'ils inscrivent sur la première page de leur bible et adoptent un couple de perroquets.
Enfin, la construction d'une forge leur permettra d'ériger une nouvelle embarcation pour rejoindre des côtes plus civilisées.

Dans un style très factuel, empreint de tournures légèrement emphatiques qui nous font côtoyer le charme du XIXème, siècle des explorateurs s'il en est, l'auteur nous embarque dans un récit captivant. La tension qui l'anime nous font revivre ses péripéties avec plaisir, tout en découvrant l'ingéniosité de ce brillant personnage.

No et moi, Delphine de Vigan



Lou présente une précocité qui l'handicape : il est compliqué pour elle de frayer avec des adolescents de son âge, elle n'en partage pas les codes. De plus, la mort subite de sa sœur Thaïs a brisé sa famille : sa mère ne parvient plus à l'aimer. Seul Lucas, le cancre, sait la soutenir : ses regards ironiques sont finalement les rares mouvements de sympathie qui l'atteignent. 

Rencontrer No, jeune sans-abris, regarder sa solitude sans ciller, ce n'est pas difficile pour Lou. Simplement, créer un lien, pour cette jeune jusqu'au-boutiste introvertie, c'est un apprentissage merveilleux et terrifiant à la fois : No se laisse apprivoiser, mais la main tendue de l'adolescente n'est pas armée pour la sortir de son bourbier.

L'auteur dépeint avec précision et délicatesse les combats des deux jeunes filles, qui grandissent en humanité, chacune à leur façon. On évite la mièvrerie : la pauvreté est un drame dont on ne sort pas indemne ; il reste cependant quelque chose à jouer. Les scènes chargées d'émotion s'enchaînent, le premier acte d'une famille endolorie permet tous les espoirs, le dernier acte de cette complainte moderne offre un rebondissement poignant. L'auteur nous tient en haleine grâce à une histoire bien construite... ou peut-être parce que c'est l'histoire de notre monde qu'elle raconte.

Le piano orange, Charlie B. Borgo

Une histoire partie de rien, ou si peu : quelques notes. L’héroïne a bien failli ne jamais y passer, sur la place Béthune. Quand elle découvre l’instrument, elle pénètre un univers, celui de ceux qui jouent et de ceux qui écoutent, là, pour un instant. Un lien invisible se tisse alors, d’une solidité inattendue mais bien plus réelle que les contingences étrangères à ce microcosme.
A travers ces moments de grâce, l’auteur touche du doigt les mystères de la joie, de l’indicible. Serait-ce un clin Dieu ? Le dieu de Sandrine, cette femme qui lui délivre sa foi dans un bar non loin de leur rencontre ?
L’auteur nous entraîne dans une quête simple et vrai. Ce piano, dont elle cherche les alter ego, lui donne un appui insolite et nous entraîne dans une histoire rafraîchissante.

L'enfant qui mesurait le monde, Metin Arditi

La destinée d'une île partagée entre ses origines grecques - attestées par son amphithéâtre - et la nécessité de vendre son poisson, destinée vue à travers les yeux d'Eliot, revenu des États Unis pour pleurer sa fille décédée dans les gradins du monument, et ceux de Maraki qui vit difficilement de la pêche.
Les deux protagonistes  se rencontrent grâce au fils de Maraki, Yannis, un enfant autiste.
L'auteur mêle des histoires de villages, des faits historiques (les pouvoirs successifs gouvernant le pays), des éléments politiques (la difficulté de garder la tête haute face au mépris de l'Europe), aux tribulations uniques d'un enfant qui se sert des chiffres pour accéder au monde et aux autres : autour de Yannis, paradoxalement, des liens se tissent, des réactions influent des décisions majeures. Tout en évoquant le marasme grec, cette fable  nous initie aussi aux beautés de l'architecture.

Le style est sobre, l'histoire est riche de personnages que l'on découvre au fil de chapitres efficaces. Ce roman rapproche le pêcheur du ministre, le passé aux arcanes de l'actualité et raconte le parcours d'un enfant extra-ordinaire : dans cette île au centre du monde, Yannis trouve peu à peu sa place grâce au courage et à l'inventivité d'Eliot, et à l'obstination de sa mère.

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