L'habit ne fait pas le moineau, Zoé Brisby

Deux personnages opposés : on se croirait au théâtre, les répliques fusent. Ils ont quelque chose en commun : on les prend régulièrement, l'un et l'autre, pour des aliénés, lui à cause de sa sensibilité exacerbée, elle à cause de son assurance à toute épreuve.
Le trait de la caricature est parfois un peu épais, le road movie décrit peu la route parcourue par la vieille dame et son jeune acolyte, mais leurs excès sont drôles et touchants. Ces personnages, leurs histoires, leurs désespérance suffisent à créer un fil que nous suivons avec émotion et le sourire aux lèvres. Les dialogues, enrichis d'arrière-pensées bien senties, sont croustillants. 
L'auteure réussit à nous parler avec légèreté de sujets graves : la déception amoureuse assortie de dépression, la maladie grave qui pose la question du droit à mourir.
Un bon moment de lecture.

L'île des derniers secrets, Emma Piazza

La Corse, terre brûlante et aride, coupée du monde par la mer omniprésente, Teresa l'a dans la peau.
Il ne se passera pas longtemps avant qu'elle accepte la proposition d'héritage de sa tante qui la ramènera en son pays... malgré des histoires de famille obscures... et une peine de cœur qui la ronge, et l'habite : Teresa vit sa récente grossesse dans une amère solitude.
Se joint à elle William, rencontré depuis peu, affaibli par une culpabilité asphyxiante : sa fille est morte, il est trop tard pour recoller les morceaux. Lui est biographe, découvreur d'artiste, et sur l'île de beauté, réside un peintre inconnu qu'il faut sortir de son ombre. 
Ces deux éclopés de la vie doivent faire face à leurs peurs déraisonnées - ou pas - et au climat explosif qui règne dans l'entourage proche de Teresa et du mystérieux peintre.
Le récit est captivant, la mort rôde, les passions inavouables émergent, la cupidité ronge. Dans ce roman choral, l'auteure nous entraîne sur les traces de héros ordinaires, hantés par leurs démons, mais qui font preuve d'une solidarité et d'un courage à toute épreuve. Le fait que les deux personnages se trouvent des liens si proches est étrange, mais on l'oublie vite.
Un bon moment de lecture, avec une réflexion sur les filiation difficiles.

Les naufragés de la salle d'attente, Tom Noti

J'ai attendu moi aussi. Au premier abord, l'auteur nous met en présence de personnages aux imperfections lisses : Hervé, provocateur et bouffon, François, qui s'est perdu en jouant dans la cour des grands, Gabriela, une ingrate patenté.
Mais arrivent leur confrontation, l'ouverture de leur compassion, et les récits de délient.

En laissant chaque personnage s'exprimer, ce livre nous ouvre la porte de leur intimité et nous découvrons leur humanité dans leurs manquements, leurs souffrances et leur grandeur d'âme aussi.
Un huit-clos fouillé, un carrefour, une halte, qui permettent finalement aux trois naufragés de reprendre les rênes de leur vie, chacun à sa façon.

Venus d'ailleurs, Paola Pigani

Mirko se tient encore à la lisière de la France, ce pays dont il a obtenu le statut de réfugié, mais dont il ne retient pas la langue, sauf des bribes de poèmes que lui a donnés le libraire.
Pourtant, sa sœur, elle, se glisse avec une joie non dissimulée dans cette nouvelle vie.

L'auteure décrit d'abord le parcours de ces Albanais qui ont fui le Kosovo et qui affrontent les affres de l'administration française pour obtenir le droit de s'installer en France. Le style est factuel, on entre dans l'histoire, on suit les étapes documentées avec soin.
Puis la plume devient poétique lors de la rencontre de Mirko et d'Agathe, et dans l'expression du mal de vivre du jeune homme.

Un livre riche d'enseignements sur ces vies brisées en reconstruction et qui explore peu à peu la douceur et la douleur indicibles de cet ouvrier qui a une façon toute personnelle d'aborder sa terre d'accueil.

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